Une histoire de costumes
Les divers costumes qui se succèderont durant la journée ont été dessinés par des stylistes d’horizon fort divers. La gamme des tenues s’inspire de la haute couture de la CDIP, passe aux ateliers DECS et HEP, aboutit au bleu de travail cousu par la commission scolaire ou la direction d’école. Elle développe une tessiture qui dépose dans la garde-robe les chaussettes de la basse profonde et l’écharpe de la soprano colorature.
Relooker le tablier bleu, voilà une mission excitante. Mais attention, l’usage de textiles « stretch » est de rigueur, les régimes trop sévères atteignant rarement leur but. Cependant, la diversification devrait permettre le mélange des genres. Si d’aucunes se glisseront aisément dans le tutu d’autres préféreront la salopette. La pratique régulière des envois à choix est souhaitable, chacun sachant qu’en ouvrant une armoire pleine on arrive parfois à se dire que l’on n’a plus rien à se mettre.
Assortir les textures et les couleurs pour que la tenue ne crée pas une image clownesque, voilà le défi. La blouse du pâtissier sera utile pour confectionner le mille-feuille pédagogique qui superpose un fond de français, une tranche de math, un soupçon d’allemand, un assaisonnement d’anglais et des arômes historiques, géographiques, artistiques ou physiques. Mais celle du chimiste sera tout aussi nécessaire pour éviter que des réactions explosives ne viennent détruire cette laborieuse imbrication. Elle ouvrira au contraire la porte à l’osmose et permettra à la recette de nourrir sans causer l’indigestion.
Le treillis militaire si propice à la pratique du drill se verra peut-être porté, comme souvent dans nos rues, avec des accessoires plus poétiques et pacifiques qui humaniseront ces pratiques sans mettre au placard leurs aspects constructeurs. L’uniforme du policier et sa coupe stricte permettra de définir les limites, mais l’agent 212 à la légendaire bonhomie doit aussi pouvoir le porter.
En aucun cas, la mode ne deviendra une dictature qui impose ses standards. Elle sera suivie si elle compose une alchimie entre la jaquette de grand-mère qui installe la confiance, le costume du héros qui donne envie d’apprendre par la force de l’identification et la douceur des charentaises qui mettra l’élève à l’aise dans ses baskets.
Dans la période d’harmonisation que nous vivons, la partition n’est pas facile à jouer et les mesures à prendre sont nombreuses pour éviter qu’en observant une photo de classe, on découvre l’enseignant en recherchant la personne la plus mal fagotée. De là à dire qu’elle doit être la plus sexy…
Didier Jacquier