Qu'as-tu appris à l'école mon fils, à l'école aujourd'hui?
La culture c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié. Edouard Herriot osait cette définition en rédigeant son recueil de sentences Notes et Maximes. Au seuil d’une nouvelle année scolaire, pendant que sèche l’encre des planifications, des minutages et des échéanciers, il peut être intéressant de se projeter dans l’avenir. Que deviendront-elles ces petites têtes blondes que nous accueillons dans nos classes ? Que feront-elles des milliers de graines indispensables quotidiennement jetées dans le terreau du savoir que l’école s’efforce de nourrir ? L’observation des potaches d’aujourd’hui n’apporte pas de réponse à ce questionnement. Les élèves d’hier, les brillants comme les abonnés aux remontrances, peuvent nous délivrer d’intéressants messages. L’école est la plus redoutables des maladies infantiles, personne ne lui échappe. Les séquelles prennent des formes diverses et dictent aux écoliers d’autrefois des paroles qui oscillent, par le choix d’une seule lettre, entre miel et fiel.
Pour mener une enquête de satisfaction, la chanson française constitue un splendide champ d’exploration. Une étude sans ambition scientifique et uniquement destinée à gonfler le moral des troupes qui partent au combat contre l’ignorance vous livre ses conclusions ci-dessous. Rares sont les interprètes qui assument un répertoire vierge de chanson en rapport avec le monde scolaire. Il convient cependant de distinguer les rengaines qui traitent de l’institution et de ses choix politiques - la chanson de Greame Allwright qui prête son titre à cette page en fait partie - des mélodies qui développent les souvenirs personnels liés à un bout de chemin parcouru avec une maîtresse ou un maître qui a laissé des traces. C’est évidemment cette deuxième catégorie qui nous intéresse ici.
Mais de mes années d’école je n’ai rien gardé, ce n’était que des paroles pour gâcher l’été/J’ai appris à ma manière que la liberté c’est d’cracher dans la rivière ou dans le sentier. Jean-Pierre Ferland ne dresse pas un bilan faramineux de son parcours scolaire et peut croiser Renaud dans la catégorie des insatisfaits : Veulent me gaver comme une oie/Avec des matières indigestes,/J’aurais oublié tout ça/Quand j’aurai appris tout l’reste . Jugement sévère également chez Jean-Michel Caradec : Quand l’école est finie/Quand le maître s’endort/En rêvant qu’il manie/Sa belle règle d’or/Moi l’enfant pas gentil/Le dernier de la classe/Je sors de mes godasses/Et je vais dans la ville/Sur la pointe des pieds/Je m’en vais.
En toute subjectivité, il est temps de citer des visions plus positives. L’incontournable Bourvil ouvre les feux : Malgré le temps qui s’envole,/Il en est pas moins vrai/Que les souvenirs d’école/Ne s’oublient jamais. Jean-Jacques Goldmann livre un bel hommage : C’était un professeur, un simple professeur/Qui pensait que savoir était un grand trésor/Que tous les moins que rien n’avaient pour s’en sortir/Que l’école et le droit qu’a chacun de s’instruire. Gilbert Lafaille évoque également de beaux souvenirs : J’aimais bien le maître d’école,/Son bon sourire et ses yeux doux./Il était libre de paroles/Et nous donnait confiance en nous.
Au-delà des paroles de chansons, une belle histoire contée par Yves Duteil sur son blog peut nous faire rêver. Le chanteur nous apprend qu’un soir de concert, il a aperçu, dans le public, son ancienne maîtresse d’école, Madame Sévilla. Il en parle avec beaucoup d’affection : « Comme si une bulle du passé remontait à la surface, cette bouffée d’enfance, son regard bienveillant, son sourire… L’âge n’avait rien effacé. Pour lui rendre hommage pendant le concert, je lui ai dédié « Apprendre ». Lui chanter cette chanson fut pour elle et moi un moment d’une rare émotion. »
Cette magnifique chanson mérite un extrait à relire au moment de se lancer dans une nouvelle aventure avec des élèves.
Compter…
Apprendre à compter sur soi-même
À compter pour ceux qui vous aiment
Pour faire aussi partie du nombre
Pouvoir enfin sortir de l’ombre
Comprendre…
Combien la vie peut être belle
Et se mettre à compter pour elle
Faire la somme de sa différence
Et se soustraire à l’ignorance
Écrire…
Apprendre à écrire son histoire
À la plume et au crayon noir
En appliquant son écriture
Raconter sa propre aventure…
Surprendre…
Cueillir ses mots comme des fleurs
Semer des graines au long des cœurs
Confier son âme et sa mémoire
A celui qui viendra plus tard .
Dans la conclusion de son histoire, Yves Duteil nous parle encore de sa maîtresse avec ces mots habillés de poésie : « Je sais aujourd’hui combien elle a compté pour moi dans ces années où le regard de ceux qui nous aiment laisse une empreinte indélébile sur le papier sensible de nos cœurs d’enfants. »
Non le PER à mettre en œuvre dès cette rentrée scolaire n’est pas écrit dans le langage de Duteil. A nous de le traduire au quotidien pour que, peut-être, les traces de notre interprétation sèment des reconnaissances aussi encourageantes que celle de l’auteur du Petit pont de bois…
Si le plan d’études constitue le menu à servir, n’oublions pas qu’il existe une différence fondamentale entre un diététicien et un gastronome. Pendant que le premier nous décrit la façon idéale de se nourrir, le second n’oublie jamais qu’un océan d’interprétations sépare l’idéal de la réalité.
Bonne année scolaire à toutes et à tous !
Didier Jacquier
Président SPVal