Quand Pennac assure la formation continue, la mise à jour est un bonheur...
Dans un costume de jeune retraité, Daniel Pennac accouche, après une gestation de quatre ans, d’une petite merveille. Qu’il l’eut cru ? Il fut un indécrottable cancre avant de devenir professeur et écrivain. Incapable de mémoriser un nom propre, réduit au rôle de perroquet qui restitue laborieusement des formules entendues en classe pour « qu’on le lâche ou qu’on l’aime », il se dépeint comme un mauvais élève définitivement réfractaire à toute pédagogie. « Les mots du professeur ne sont que des bois flottants auxquels le mauvais élève s’accroche sur une rivière dont le courant l’entraîne vers les grandes chutes. » Le portrait de la « cancritude » qui occupe une bonne partie de l’ouvrage est un appel à un changement de nos regards d’enseignants sur ces élèves qui n’entrent pas dans le moule prédéfini que nous leur tendons à la porte de nos classes. Là où nous voyons un élève peu motivé par nos cours, Pennac nous décrit tout autre chose : « C’est un oignon qui entre dans la classe : quelques couches de chagrin, de peur, d’inquiétude, de rancœur, de colère, d’envies inassouvies, de renoncement furieux, accumulées sur fond de passé honteux, de présent menaçant, de futur condamné. »
Heureusement, l’auteur n’a pas cessé son récit sur ses déboires d’élève. Malgré son titre, Chagrin d’école est un ouvrage résolument optimiste. Les chapitres qui racontent, sans nier les difficultés du métier, ses années d’enseignement abordent le quotidien scolaire en décrivant des pratiques parfois peu conventionnelles mais toujours en adéquation avec les besoins fondamentaux des élèves. « Une bonne classe, ce n’est pas un régiment qui marche au pas, c’est un orchestre qui travaille la même symphonie. » Faisant fi de la querelle des anciens et des modernes, Pennac nous montre son amour du métier à travers son génie ordinaire pour revisiter la pratique de la dictée ou l’apprentissage de textes par cœur. Sans opposer l’école d’aujourd’hui à celle d’hier, il réussit à proposer des réponses aux besoins permanents des élèves qu’ils soient nés en 1940 ou en 2000.
Chagrin d’école n’est pas un livre de recettes, cependant, sa lecture permettra à chaque enseignant de trouver un ingrédient pour que sa cuisine quotidienne devienne meilleure. En décrivant comment le cancre qu’il était a été sauvé par quelques professeurs qui ont su le faire « devenir », Pennac nous donne envie d’être, une fois au moins, ce professeur-là. C’est la leçon que j’ai puisée dans cet ouvrage et pour cette raison, sa lecture vaut largement une attestation annuelle de formation continue. L’auteur ajoute à l’action de ses sauveteurs la nécessité d’être aimé, mais ça on le savait déjà…
Didier Jacquier