Lorsque le mail s’en mêle
« Il faut une infinie patience pour attendre toujours ce qui n’arrive jamais. » Cette saillie de l’humoriste Pierre Dac qui accoucha du Schmilblick bien avant que Coluche ne s’en saisisse et qui paria sur l’appariement avec Francis Blanche pour faire rire Paris, m’est revenue à l’esprit à la lecture d’un courriel. Ma boîte mail tinte alors que mon clavier attend la fécondation digitale qui donnera naissance au syndical billet. Décidément le hasard n’existe pas. Un collègue glisse furtivement un message réel dans ma boîte virtuelle. Il y parle d’un vrai ras le bol et interpelle les présidentielles oreilles sur les missions satellites qui parasitent souvent l’acte pédagogique. Mon correspondant dresse un inventaire de météorites métaphoriques bombardant le vaisseau amiral qui conduit l’escadron des têtes blondes à travers l’espace infini des compétences à acquérir. Il y commente la douteuse utilité d’activités chronophages. Le bougre a le sens de la formule. Il me provoque sur un terrain que j’affectionne. En le lisant, je crois me relire avant le clic expéditeur qui propulsera ma prose vers la plateforme éditoriale. J’ai compris, l’escapade à la Foire du Valais que j’avais studieusement déclinée pour de rédactionnels motifs est sauvée. Le copier-coller honni lorsqu’il plagie me tend des bras participatifs. Je cède à la tentation et sélectionne la partie conclusive de l’interpellation. Pomme c, pomme v : mon Mac importe sans broncher les courrielles considérations. Il n’y aura pas réponse immédiate mais mise en vitrine par transfert vers une publication anonyme destinée au partage, je cite :
« L’enseignant primaire est un brave toutou. Quoiqu’on lui dise de faire, il le fait. Il ne bronche jamais. On lui lance un petit bout de bois, il court chercher et le ramène. On lui en relance un tout de suite derrière, il court plus vite le rechercher. Un léger grognement ? Une petite caresse pour la motivation, "Bravo tu es fort" et hop, on en prend un plus gros, on le lance un peu plus loin, et, incroyable, ça marche encore : il file, ventre à terre. Même à bout de souffle, il revient toujours, la langue pendante, attendant le prochain lancer, toujours plus gros, toujours plus loin. Mais un jour, il faudra bien que son maître aille demander aux députés la clé de l’armoire où il y a la boîte à sucres. Que le maître prenne le temps de leur prouver que ce toutou-là mérite des sucres. Et qu’il soit persuasif. Car des petites caresses, des "Bravo, chien-chien", le bon toutou s’en lasse : dans le chenil, il y a d’autres chiens qui courent moins, moins longtemps, mais qui ont les su-sucres. Et si le maître ne parvient pas à accéder à la fameuse boîte, le chien-chien risque bien, prochainement, soit de mordre, soit de retourner à sa niche, laissant son maître tout penaud sur la touche, avec son tas de bois. » fin de citation.
Que rajouter à ce message d’un collègue excédé ? Entendre l’appel est primordial tant son décodage donne naissance à un nouveau champ lexical : ISMisation, B2isation, dite33périodisation, pallierdattentisation, réunionite, généralistespécialisé, régionalo-directivités… la liste n’est pas exhaustive. Dans le processus de consultation du futur statut, des demandes claires ont été formulées. L’enveloppe de ce dossier est plus proche de la coquille d’escargot que du carénage de la fusée. Pour ma part, j’évite les risques liés à de pronostiques prévisions sur la qualité ou la proximité des réponses que nous attendons. Je redonne la parole à Pierre Dac qui conclura bien plus talentueusement que je ne saurais le faire :
« Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir. »
Didier Jacquier