Il était une fois, un pays dans lequel tout fonctionnait bien. Les trains arrivaient presque toujours à l’heure, les robinets donnaient de l’eau pure en suffisance et les rayons des magasins tendaient aux chalands de pleines brassées de produits alléchants. Un jour, dans cette nation tranquille et prospère, un entrepreneur assis dans le confort de sa réussite rêva de gouverner plus loin que son usine. Au fil des ans, il parvint à transformer un mouvement politique – au départ pas très différents des autres formations défendant l’ordre économique en vigueur - en outil au service du cercle des amis de la performance. Pour arriver à ce résultat, il utilisa un système très simple ; pourtant, bizarrement, personne n’y avait songé avant lui. Il érigea en programme politique la dénonciation systématique des trains en retard, des robinets arides et des vilains qui conduisaient sans permis les caddies de nos magasins. Il parvint à réunir rapidement sous ses couleurs des adeptes de la précision, des assoiffés de tous bords et des mécontents pestant dans les files d’attente des supermarchés. Tous ce petit monde réuni flirta bientôt avec le tiers des personnes ayant l’habitude d’exercer les droits politiques que ce pays avait mis en place. Au gré des mécontentements, la cohorte des partisans grandissait. C’est alors que le rêve de l’île commença à hanter d’autres zones que le contour des oreillers. Un jour, un événement imprévu dérangea la sérénité des adeptes de l’onirisme insulaire. La figure tutélaire essuya un échec et fut exclu du collège des sages. Ce grain de sable dans la machine rendit les partisans furieux. Parallèlement, le nombre des adhérents sembla avoir atteint son acmé. Les timoniers du mouvement réfléchirent à explorer d’autres terrains de prospection. C’est à ce moment-là, que le viseur se porta sur une institution connue de tous : l’école. Un programme politique fut pondu par un cénacle de penseurs. Malheureusement, la rédaction du manifeste ne souleva pas l’enthousiasme. Les propositions avancées ne tenaient compte ni de la réalité vécue sous les préaux ni de l’extension des idées au-delà d’une rivière parfois doublée d’une accumulation de tubercules hérités d’Antoine Parmentier et frits selon une recette locale. Aucunement découragés par ce coup d’épée dans l’eau, les chevaliers de la pédagogie de la performance se remirent au travail. L’objectif restait braqué sur l’école mais l’angle d’attaque ciblait une autre composante du monde scolaire : la formation des enseignants. Les porte-parole restèrent fidèles au principe de communication privilégiant le martellement d’un nombre restreint d’arguments. Vingt-trois pages répétaient à l’envi que les HEP étaient la source de tous les maux. La solution devenait limpide et tombait sous le sens : il fallait supprimer ces instituts et inventer l’apprentissage pour les enseignants primaires. Le rêve de l’île était encore passé par là et appelait à la rescousse son petit frère : le mythe du réduit national. De tous les arguments avancés, aucun ne correspondait de près ou de loin aux débats en cours dans les contrées occidentales du pays…
La fin du conte est encore à écrire. Qui prendra la plume ? Les magistrats élus à la tête des départements de l’Education, les HEP, les partis politiques, les enseignants issus des HEP, les enseignants ayant suivi la défunte école normale ? Il ne s’agit pas de défendre bec et ongles le fonctionnement actuel de nos HEP. Le travail des associations pédagogiques met d’ailleurs souvent le doigt où ça fait mal dans le domaine de la formation en demandant des remédiations. Cependant, dans les débats devant le grand public des électeurs, il sera intéressant de suivre l’argumentation des élus romands qui défendront la proposition d’apprentissage pour les instituteurs et institutrices, surtout lorsque ces personnes cumuleront le mandat d’élus et d’enseignants ! En Valais, le pluriel est peut-être inutile, tous les regards se portant vers un barde qui n’attend que ça.
Didier Jacquier
Président SPVal