Le PER et les montres molles
Le 7 mars, un quai HarmoS a été inauguré en gare de Fribourg. L’express pédagogique y chargera les pèlerins scolaires. L’enthousiasme de la victoire retombé, les questions matérielles d’organisation s’immisceront dans les ordres du jour du clan des décideurs. Les frontières cantonales joyeusement gommées dans la cartographie du "Oui" disparaîtront-elles aussi facilement dans les versions chronométrées de l’organisation scolaire ? Les marges cantonales d’application dissipent déjà le doute : l’horaire cadencé se heurtera au décalage à chaque frontière. La grille horaire romande lue avec l’accent de Savièse ou de Plan-les-Ouates risque de présenter autant de ressemblances que Didier Défago et Simon Amman.
Ce constat posé, reste le souci de chacun de trouver la formule idéale. Le fédéralisme n’a jamais démenti que le fait d’habiter sur la rive gauche d’un cours d’eau implique une organisation différente de la planification en vigueur chez les natifs de la rive droite. Il faudra donc, pour quelques années encore, faire appel à l’histoire pour que nos élèves comprennent que l’ombre des drapeaux influence leur temps de présence en classe. Les optimistes relèveront qu’il n’y a pas si longtemps, les différences prenaient racines en terres communales ; les terreaux cantonaux d’aujourd’hui représentent donc un progrès.
Au-delà des différences structurelles, les équations à résoudre seront presque les mêmes partout. Le défi d’une organisation verticale qui ne connaît plus de rupture dans la durée de la scolarité obligatoire implique un questionnement sur la linéarité de la dotation horaire des disciplines. Les pourcentages alloués à chaque domaine par le PER demandent une traduction. Faut-il privilégier la langue de scolarisation à un moment du cursus pour que l’ensemble soit cohérent ? Peut-on envisager des délégations ou des collaborations avec d’autres organes que l’école pour des renforcements dans les disciplines sportives ou artistiques ? Osera-t-on dire aux institutions religieuses qu’elles sont responsables de leur survie ? Des options peuvent-elles être mises en place dès le début de la scolarité ? Des domaines d’excellence pour les élèves et les enseignants trouveront-ils leur place dans la nouvelle organisation ?
Ce trop lacunaire inventaire d’interrogations prouve que l’heure n’est pas au bricolage expéditif. HarmoS accorde six ans aux cantons pour rénover les structures de l’institution. C’est très court si l’on veut tout changer ; c’est suffisant si l’on décide de lancer un processus évolutif qui privilégiera la souplesse. L’imagination illuminée de Salvator Dali peut nous éclairer dans cette entreprise. Ne disons jamais que les temps sont durs et choisissons des montres molles pour mettre en place un horaire élastique. Sa souplesse pourrait donner naissance à des moyens d’enseignement privilégiant l’interdisciplinarité. Le combat sera gagné lorsqu’en rentrant dans une classe le visiteur qui s’inquiétera de savoir quelle branche on travaille s’entendra répondre : "Ici, on enseigne !".
Didier Jacquier
Président SPVal