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Enseignement et travail d'équipe, l'impossible alchimie?

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L’une des idées-forces développées dans le projet de loi sur l’école primaire parle de travail en équipes pédagogiques. Sans aller jusqu’à abattre les murs de nos classes, peut-on envisager l’abandon de la fameuse équation un enseignant = une classe ? Essai de réflexion sur le sujet.

La mise en place d’un travail en équipe implique la présence d’un esprit de collaboration. Celui est indissociable de la judicieuse répartition des tâches qui permettra l’atteinte des objectifs définis en commun. Qu’en est-il aujourd’hui dans nos classes ? Une observation globale des pratiques pousse certains à affirmer que l’on travaille déjà en équipe puisque le temps partiel est devenu la norme et que les échanges de disciplines ou de classes sont largement pratiqués. Cette analyse ne résiste pas longtemps au passage sous la lentille grossissante d’un examen un peu plus fouillé. Est-ce qu’envoyer un groupe d’enfants dans une classe AC&M, conduire un élève en salle d’appui ou diviser des programmes dans le cadre d’un duo pédagogique constituent des actes de collaboration ? Rien n’est moins sûr. Le confort de la définition d’un champ d’activité dans lequel on reste le maître peut constituer un poisson mortel pour la collaboration. Mille bonnes raisons justifient ces pratiques, le souci de tenir la barre et de savoir où l’on va n’est pas la dernière des préoccupations qui poussent les enseignants à naviguer en terrain connu. Cette façon d’envisager les choses est d’ailleurs défendue par une sentence de Georges Wolinski qui affirmait que "Travailler en collaboration cela veut dire prendre la moitié de son temps pour expliquer à l’autre que ses idées sont stupides." On a le droit d’applaudir cette malicieuse remise en question mais on peut aussi dénoncer le choix sécuritaire et forcément appauvrissant de la marche sur la voie solitaire. Lorsqu’on termine le constat décrit dans les lignes qui précèdent, on n’a en aucun cas commencé la réflexion sur les avantages de choisir le travail en réseau plutôt que les chemins parallèles. Les expériences tentées ici ou là et décrites par les chercheurs demeurent dans le champ de la tentative et ne donnent pas de mode d’application généralisable. Au nombre de ces explorations, il est intéressant de prendre connaissance des articles de Philippe Perrenoud traitant de l’équipe pédagogique. Abandonnons le champ expérimental et posons-nous des questions pour connaître les avantages que nous pouvons tirer d’un système d’organisation plus orienté vers la collaboration. Le modèle en vigueur a fait des choix que nous avons le droit de réexaminer. Un exemple avec les activités créatrices et manuelles : les apprentissages essentiels réalisés en exploitant la créativité et en développant toutes sortes de motricités doivent-ils forcément rester cantonnés dans le système actuel ? Etendre l’apport des spécialistes en créativité aux classes enfantines et à d’autres moments de la vie de la classe n’est-il pas devenu souhaitable ? Deuxième tabou à faire vaciller : le concept fermé des appuis individuel. L’enseignant spécialisé qui travaille dans sa salle isolée avec un nombre extrêmement réduit d’élèves apporte-t-il les meilleures chances de développement à l’élève en difficulté ? Sa présence ne serait-elle pas souhaitable là où les fossés ne sont pas encore irrémédiablement creusés ? Les questions sont aussi nombreuses que les habitudes à bousculer. Penser l’organisation qui régira les pratiques à l’avenir doit nous pousser à une réflexion commune. Sans aller jusqu’à l’envie de tabula rasa, il est permis d’oser la remise en question. Antoine de Saint-Exupéry ne s’est pas contenté d’apprivoiser un renard, il a aussi expérimenté les valeurs de la collaboration. Lorsqu’il nous dit avec son immense sens poétique que : "La pierre n’a point d’espoir d’être autre chose que pierre. Mais de collaborer, elle s’assemble et devient temple." Il nous encourage de belle façon à chercher collectivement comment faire pour mieux travailler ensemble.

Les recettes toutes faites n’existent pas encore. Peut-être n’existeront-elles jamais. Ce n’est pas une raison pour ne pas essayer d’envisager l’avenir autrement. On ne peut certes pas forcer des gens à collaborer. Peut-on leur offrir la possibilité de choisir l’équipe dans laquelle ils auront envie de s’investir ? Encore un tabou à bousculer ! Certaines directions d’école craignent que la gestion des équipes soit une nouvelle tâche qui grossirait leur pensum déjà lourd. Est-il possible de faire confiance aux enseignants en leur dessinant une mission commune et en leur demandant d’être des professionnels ? D’autres métiers fonctionnent obligatoirement de cette manière aujourd’hui. Cet effort serait-il au-dessus de nos forces ? Sans nous mettre autour du problème pour lui trouver une solution, nous ne répondrons à aucune des questions que le futur de l’école nous pose aujourd’hui.

La collaboration attelle les gens à une même mission. Comme dans tout attelage, on verra parfois un acteur tirer plus que les autres. Sera-ce une raison de s’arrêter pour rééquilibrer les efforts ? Une chose est sûre, l’arrêt aura une conséquence inéluctable, celle de laisser le but à distance. Si nous voulons l’atteindre ensemble il est temps pour chacun de se demander : "Finalement, c’est quoi une équipe pédagogique ?"

Didier Jacquier

Président SPVal

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