Bye
Souvent, dans mes billets où lors d’interventions orales, j’ai pavé mon propos de citations ou de traits d’esprit empruntés à l’intelligence des penseurs. La force de leur philosophie a enrichi ce réservoir précieux que l’on appelle culture. Lors de l’ultime étape, je ne trahirai pas cette option personnelle destinée à nourrir l’imagination au moment d’affronter la page blanche. Cependant, toutes les habitudes peuvent devenir lassantes. Il convient donc de toujours varier les angles pour que le regard soit surpris lorsqu’il contemple un paysage mille fois observé. Emprunter les phrases des autres ne nous empêche pas de ciseler soi-même quelques ambitieuses formules. Le pas de l’originale production fut franchi au mois de janvier 2014. Le calendrier en était à son 29ème jour lorsqu’une équipe de sympathiques rêveurs invitait des collègues enclins à rêver un peu d’avenir et de projets fédérateurs. Une phrase projetée en ouverture de séance devait lancer une idée nouvelle et construire un projet durable. « S’approprier des savoirs, ce n’est pas seulement enrichir ses connaissances mais c’est aussi savoir profiter de l’intelligence des autres. » Le mot savoir martelé deux fois dans la sentence lançait un concept nouveau : La Balade des Savoirs. Au moment de passer le témoin, en se plaçant sur le bord du chemin, il convient de s’inquiéter de la qualité des traces laissées tout en espérant qu’elles donnent envie de leur donner une suite. La Balade fait partie des petits trésors que l’on a réunis à plusieurs. Ils n’ont souvent de valeur que par l’envie qu’ils donnent d’en amasser d’autres. Nous nous trouvons aujourd’hui au début d’une aventure. Elle a la grande qualité des constructions qui n’ont de sens que lorsqu’elles sont collectives. Je formule ici mes espoirs les plus optimistes pour le succès des éditions futures en remerciant du fond du cœur les compagnons de route avec qui j’ai eu la joie de vivre la gestation de cette première Balade.
Revenons aux citations qui doivent constituer le fil conducteur de mes propos. Quelques règles élémentaires doivent guider leur choix. Gratuites, elles tomberaient à plat et auraient la fade saveur des vins trop courts en bouche. Explicites, elles s’empâteraient de la lourdeur des mets trop copieux. Comprennent qui voudra, ma promenade commence ici en empruntant des mots revêtus d’une trouble innocence.
Ces phrases choisies me permettront de relever quelques valeurs qui me servent de balises et que j’ai à cœur de partager avec vous aujourd’hui.
Au premier épisode, Sophie Marceau nous apprend que la beauté et le bon sens peuvent faire bon ménage lorsqu’elle affirme : « A partir du moment où vous êtes un personnage public, vous avez un peu un rôle de modèle. » Elle dit un peu. Pour nous enseignants, ce petit peu doit devenir beaucoup. Face à nos élèves nous nous devons d’être exemplaires ce qui rend notre tâche difficile mais tellement plus belle. Sommes-nous des personnages publics ? Je réponds largement oui à celles et ceux qui, quotidiennement, font face au public enfantin. D’autres personnalités dont on parle dans les médias et qui occupent souvent le devant de la scène apprécieront la sentence de l’actrice à l’aune de leur conscience.
Le parcours continue en passant d’une actrice à un acteur pour ne faire aucun jaloux. C’est Christophe Malavoy qui s’exprime en disant : « Cela ne sert à rien d’être le meilleur, ce qui est important c’est d’être bon. » J’ai choisi cette citation uniquement pour satisfaire au strict respect de l’égalité des genres. Une femme, un homme, après l’actrice, l’acteur sur un même pied. Une présidente de faîtière associative sera contente. Cela me dispensera de justifier mon choix par une argumentation aussi fastidieuse qu’inutile.
Passons donc au message suivant en donnant la parole au psychopédagogue Michel Tardy de l’Université de Strasbourg. Cet institut s’investit plus que de raison pour parvenir enfin au niveau d’une stratosphérique école de formation des enseignants située au sud de la Suisse. On y pratique le seul langage au monde qui réunit, dans les mêmes phrases, un idiome latin et des sonorités germaniques. Tardy dit en substance ceci : « L’éducation ne consiste pas à gaver mais à donner faim. » Traduit en sabir pédagogique local ceci pourrait donner : « Bildung consiste nicht zu mästen aber de donner Hunger. » Nous perdons ici un peu de qualité littéraire et le sens profond de la pensée peut être légèrement travesti par un bilinguisme plus proche de la collision que du mariage. Je me permets donc de revenir à la citation originale de Tardy pour vous permettre une brève remise en question. Sommes-nous toujours ces affameurs de bambins que la faculté nous demande de devenir ? Personnellement j’ose publiquement confesser avoir peut-être suscité des penchants anorexiques chez quelques-unes de mes ouailles. Faute avouée est à moitié pardonnée et je vous promets de vous livrer, avec mon acte de contrition, la promesse de ne plus recommencer.
Les actions syndicales et associatives m’ont guidé vers la prochaine phrase que je soumets à votre sagacité. Elle vient d’Italie et a la puissance des vins lourds de la région napolitaine. Elle a coulé de la plume d’un journaliste mondialement connu pour son courage dans la lutte contre les pieuvres qui étouffent la société : Roberto Saviano. « La démocratie est en danger à partir du moment où, si tu t’opposes à certains pouvoirs, tu risques d’être la proie d’une machine qui te couvre de boue. » Il n’est pas question d’ouvrir ici un débat sur le bien-fondé du système démocratique. Certaines décisions du peuple souverain peuvent devenir des boulets qui rendent inconfortable l’avancement vers le futur. Les citoyens de demain sont aujourd’hui nos élèves. Sans leur dire quoi penser il nous appartient de leur apprendre comment penser en les dotant de sens critique et d’esprit d’innovation. C’est une tâche énorme qui nous est confiée. Elle n’est pas à la portée d’individus isolés. C’est en équipe que nous pourrons relever ce défi grâce à la collaboration et à la confiance au travail de l’autre. Ces enjeux, devenus primordiaux aujourd’hui doivent mobiliser toute notre énergie et nous doter de courage pour contester les décisions hasardeuses éloignées des réalités du terrain qui peuvent être prises à tous les étages de la hiérarchie. Apprendre à nos élèves à poser les bonnes questions constitue un programme complet qui pourrait remplacer le plan d’étude. Se poser soi-même les bonnes questions éloignera les tueurs de motivation que sont la routine et le renoncement.
L’avant-dernière étape de ce petit parcours dans les valeurs professionnelles qui sont les miennes laissera une place à la poésie. C’est dans une chanson de Claude Nougaro que j’ai puisé un message d’ouverture à l’autre qui ne peut que nous convaincre du rôle fondamental de l’école. L’école ce lieu unique dans lequel tous les enfants, d’où qu’ils viennent, peuvent se rencontrer, vivre et grandir ensemble. Qu’il s’agisse de l’accueil des migrants ou du respect des différences, le rôle intégrateur de l’école reste sa plus grande force. Aujourd’hui comme hier, nous nous devons de faire passer l’humanisme avant la peur des différences. Il est primordial qu’avant la performance et l’obsession de la mesure des niveaux atteints nous portions toute notre énergie à mettre en pratique la poésie de Nougaro : « Qui des deux a marché vers l’autre / Chacun de nous moitié moitié / Par les persiennes de mes côtes / Mon cœur tout là-bas te voyait / Te voyait venir sur la route ».
Il convient de conclure avant que la lassitude n’envahisse l’auditoire. Ceux qui me connaissent bien sentent peut-être poindre la dernière citation qui ponctuera ce message d’au-revoir. Une petite phrase avait servi d’ossature à ma première prise de parole devant les délégués il y a huit ans lors de mon élection à la présidence de la SPVal. Je l’avais empruntée aux élèves de 6P en classe à Vernayaz pendant l’année scolaire 2005-2006. Depuis, elle voyage sur la toile dans le bandeau du site spval.ch. Aujourd’hui, vous n’avez plus besoin que je vous la commente. Il vous appartient cependant de la mettre en pratique au quotidien en songeant au futur de nos élèves. Cette phrase sera fièrement affichée sur la porte de la classe qui sera la mienne à 100% dès la prochaine rentrée. Elle sera peut-être la première phrase que mes élèves de 3H parviendront à déchiffrer : « Aller à l’école c’est préparer ses crayons pour dessiner sa vie. »
J’ai gardé pour la fin quelques mots que je n’emprunte à personne tant il est nécessaire que j’exprime toute ma reconnaissance à une fabuleuse équipe. Dans le dernier numéro de l’Educateur, j’ai cité le nom de toutes les personnes avec qui j’ai eu le plaisir de siéger au comité de la SPVal durant ces huit dernières années. Aujourd’hui, j’aimerais dire un immense merci au comité actuel. Ses membres sont devenus des amis, nous venons de vivre ensemble et en compagnie de nos conjoints une superbe sortie en Toscane durant laquelle nos liens se sont encore resserrés. Vous allez me manquer mais la vie est ainsi faite. Allons de l’avant et continuez à défendre notre superbe profession. Merci à tous et vive la SPVal.
Didier Jacquier
Président SPVal
Merci pour tout le travail fourni durant ces huit années de présidence. Bon vent pour la suite et beaucoup de plaisir dans ta future classe. Un collègue pas toujours d'accord mais admiratif