28 et basta !
Nul invité n’est sensé mettre la table ou touiller les casseroles. Il arrive cependant que le Chef compte sur la collaboration des convives pour que le menu mette chacun à l’aise. En nous asseyant à table, nous nous attendions à des propositions ; on nous demanda notre appréciation. Les commensaux ont donc montré ce qu’ils avaient dans leur serviette.
Peter Eyer, président de l’OLLO, est un redoutable cuisinier. Il manie particulièrement bien les proportions. Lorsqu’il décortique les champs d’activité définis dans le projet de loi, il est aussi à l’aise que face à une assiette de gambas. Arguments et chiffres à l’appui, il a prouvé que les enseignants primaires en font beaucoup plus que l’on croit. Les tâches qui nous sont demandées et celles qui nous attendent à brève échéance sont lourdes. En préparant un projet de loi qui veut les quantifier, on manie une arme à double tranchant. Les bons enseignants ne comptent pas leurs heures. Si on leur demande de le faire, la surprise peut être au rendez-vous.
La vision verticale de l’école que le projet en consultation veut défendre implique une analyse des conditions de travail proposées à tous les acteurs. Que ceux-ci se trouvent devant des élèves de quatre ans ou devant des jeunes qui atteignent leur majorité, l’enjeu est le même : le développement harmonieux de l’élève. Si ce postulat est accepté, nous ne pouvons admettre que le DECS utilise trois poids et trois mesures pour le nombre de périodes de présence à l’élève. La proposition chiffrée à 32 périodes pour un plein temps dans les deux premiers cycles est donc de l’ordre de l’éloignement intergalactique par rapport aux 26 et 23 périodes pratiquées dans les autres ordres d’enseignement. Les différences de conditions salariales ajoutent une troisième dimension à la nébuleuse.
La discussion qui suivit le constat lié aux chiffres fut intéressante à plus d’un titre. Il en ressortit qu’il est difficile de faire le portrait d’un enseignant sans le mettre dans le décor dessiné par l’organisation de l’école. La proposition, formulée en séance par les associations, prévoit 28 périodes pour l’enseignant et 32 périodes pour l’élève. Elle casse le moule historique de l’école primaire valaisanne. La formation généraliste garantissant la richesse de l’enseignement interdisciplinaire et la mobilité des enseignants n’est pas remise en question pour autant. Cette suggestion de différentiation pose cependant un certain nombre de questions auxquelles nous pouvons chercher, en partenariat avec l’autorité, les meilleures réponses. La créativité que nous développons chez nos élèves devrait nous permettre de faire preuve d’imagination pour que tout le monde soit gagnant dans cette nouvelle approche.
Les chantiers en cours au service de l’enseignement tendent tous à dessiner l’école de demain. L’éclairage HarmoS sous lequel seront conduits les débats change beaucoup plus de choses que certains ne l’imaginent. L’établissement d’une grille horaire qui nourrira le parcours scolaire de demain n’est pas le moindre des défis à relever. La formation continue qui accompagnera l’introduction des plans d’étude dans les deux régions linguistiques, les standards et autres évaluations des investissements pédagogiques ainsi que la gestion des horaires sont autant d’ingrédients qui mijoteront dans la grande marmite de l’institution scolaire.
Si le Chef veut ressortir étoilé de cet exercice, il devra veiller à permettre le choix des meilleurs produits. Il faudra qu’il calcule les bonnes proportions et qu’il dirige sa brigade en restant à l’écoute de chacun. C’est à ces conditions que le guide Pisa ou d’autres instruments d’évaluation nous classeront dans le haut du panier. Comme beaucoup d’enseignants, j’ai déjà mis mon tablier et je suis prêt à livrer mes meilleures recettes. J’exige cependant que l’on reconnaisse leur juste prix.
Didier Jacquier
Président SPVal