"Maurice Tornay essaie d’adoucir sa politique financière" (Le Temps, 2 septembre 2014)
Maurice Tornay, conseiller d’Etat chargé des Finances, présente un budget 2015 fait d’économies et d’augmentation des taxes. Alors que le Valais est soumis au régime strict du frein aux dépenses et du frein à l’endettement, les comptes 2013 présentaient un déficit de financement de 82,6 millions en raison d’une baisse importante des recettes fiscales. Il s’agit aujourd’hui de combler ce déficit en l’espace de trois ans. Pour équilibrer les comptes malgré tout, Maurice Tornay s’appuie sur l’augmentation de 46,3 millions de francs de la péréquation financière intercantonale. Il prévoit aussi d’augmenter les impôts sur les véhicules et de reporter la dernière tranche de déduction fiscale pour les primes de caisse maladie. «Aucun nouveau poste ne sera créé dans l’administration», explique-t-il. «De ce fait, les conditions de travail des employés de l’Etat sont réellement plus difficiles puisque dans le même temps les tâches augmentent», souligne-t-il.
Surtout, pour faire face aux importantes contraintes de ce double frein qu’il ne veut pas remettre en question, il propose au Grand Conseil, par le biais d’un décret qui sera voté en novembre, d’adopter un nouvel outil baptisé «fonds de compensation des fluctuations de recettes». «Il servira à compenser les pics et les creux des recettes fiscales qui sont toujours plus difficiles à prévoir», explique Maurice Tornay. Les recettes extraordinaires, comme le bénéfice de la Banque nationale suisse (BNS) ou le produit de la vente d’un barrage, y seront déposées. «Ces recettes ne seront plus jamais budgétisées», explique-t-il, après avoir vu ces revenus fondre brutalement les années précédentes. «Cela ne compense pas le double frein à l’endettement et aux dépenses mais lui apportera plus de cohérence», explique Pierre-André Charbonnet, chef du Service des finances.
Le Valais, le canton
le plus strict
Un tel fonds existe notamment à Genève et à Lucerne. «Nous avons préconisé cet outil l’année dernière pour une plus grande transparence dans les opérations de clôture des comptes publics», explique Nils Soguel, président du Conseil suisse de présentation des comptes publics et professeur à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP). «Jusqu’à maintenant, les cantons procédaient à une opération comptable pour lisser les revenus supplémentaires en pratiquant amortissements extraordinaires, au-delà des charges raisonnables pour faire face à l’usure des infrastructures», poursuit-il. «Avec un tel fonds, les opérations de clôture doivent devenir visibles», dit-il.
«Le Valais a l’un des dispositifs les plus stricts de Suisse avec ce double frein», estime encore Nils Soguel. «C’est trop strict», dit-il. «L’endettement n’est pas mauvais en soi. On devrait l’admettre pour la construction d’infrastructures qui serviront aux générations futures. Y renoncer, cela revient à dire que, en Valais, on n’a besoin de rien malgré l’augmentation de la population», dit-il.
Le double frein définit l’élaboration des budgets en laissant très peu de marge de manœuvre pour poser de vrais choix politiques. «Du fait de l’exigence du frein aux dépenses et du frein à l’endettement, la budgétisation débute par l’estimation des moyens financiers libres d’affectation […] sans créer un excédent de charges […]», explique l’Etat du Valais dans son projet de budget. Des enveloppes budgétaires sont ensuite réparties par département. «Pour s’adapter à la réalité économique contemporaine, il faudrait se fixer un taux de croissance raisonnable des charges en fonction duquel on élabore le budget, plutôt que de baser son action politique sur des recettes devenues très volatiles», conseille Nils Soguel.
Source: Marie Parvex, Le Temps, 02.09.14