"Manuels scolaires ? Edifiant." (1dex.ch, 21 juillet 2015)
"En date du 26 juin dernier, la revue française « Marianne » (dans sa version.net) met le doigt sur la mainmise de l’état sur les manuels scolaires.
Sous couvert d’anonymat, une professeure de français, auteure de manuels scolaires y lance une mise en garde.
« Ce toilettage annuel est à la fois une tradition et un juteux business pour les éditeurs. La nouveauté, c’est que la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) essaie d’imposer aux éditeurs scolaires une charte qui les oblige à faire un type, et seulement un certain type, de manuels. Jusqu’à aujourd’hui, poursuit notre interlocutrice, les manuels scolaires ont toujours été de formes très variées. Cette pluralité permet d’offrir aux professeurs de chaque discipline une variété pédagogique dans les approches possibles.
La manœuvre cacherait une volonté plus pernicieuse de la part du ministère : une volonté d’imposer un type d’organisation par discipline. En français, c’est ce que l’on appelle le “travail en séquences”. Pour vous donner un exemple concret, l’obligation de travailler en séquences, cela signifie qu’il ne faut plus faire de leçons de grammaire en bonne et due forme, mais à la place glisser des “remarques” sur la grammaire au moment où l’on étudie des textes. C’est quelque chose de complètement décousu, pas du tout méthodique. En plus des dommages sur l’apprentissage du français que l’on saisit aisément, cela va avoir des conséquences directes sur la manière dont les professeurs exercent leur profession. Il va y avoir une uniformisation des pratiques, imposée par le contrôle des outils que nous utilisons en cours, regrette ainsi notre enseignante. Il n’y aura plus de liberté pédagogique au sens plein du terme. Ce dont nous sommes sûrs, c’est que nos élites s’échinent depuis des années à flinguer l’école. Un peu de patience et elles toucheront bientôt au but…«
La France, on le sait, a mal à son école. Mais est-ce bien différent chez nous ?
Harmos avait pour objectif de créer un consensus helvétique permettant d’uniformiser les âges d’entrée et de sortie du cursus scolaire obligatoire, postulat à priori tout à fait légitime.
Par la suite, en Romandie, est né le PER (Plan d’Etude Romand) et c’est là que les choses commencent à se gâter.
Depuis son introduction, bon nombre de manuels scolaires en très bon état (certains à l’état de neuf) et dont le contenu aurait très bien pu servir encore ont été purement et simplement jetés à la poubelle. En lieu et place, une foultitude de livres, cahiers et fascicules sont apparus, parfois de manière provisoire, dont on sait aujourd’hui qu’ils ne sont utilisés qu’en partie seulement, voire pas du tout (cf. fascicules d’histoire 5H et 6H). Quel gaspillage ! Gaspillage qui se retourne contre les communes d’ailleurs, puisque ce sont elles qui en paient le prix fort.
Mais il ne s’agit là que de l’aspect matériel et financier du problème. Comme l’explique très bien ma collègue française, un danger bien plus sournois émane de cette uniformisation des manuels et d’obligation à n’en utiliser point d’autres: celui de tuer la pédagogie. Celui qui voudrait que tous les enseignants d’un même degré fassent la même chose en même temps (certaines de nos écoles en sont venues à effectuer les mêmes examens simultanément au sein d’un même degré comme si, d’une classe à l’autre, on avançait exactement au même rythme en y apprenant les mêmes choses, à l’item près).
Or, justement, ce qui a fait la force et le renom de notre école valaisanne, c’est cette diversification pédagogique, cette sensibilité différente, d’un enseignant à l’autre, cette mise en avant des particularités régionales et villageoises propres à chacune de nos vallées. Vouloir tout uniformiser, même si c’est dans l’ordre du temps, c’est tuer dans l’œuf cette part de merveilleux que devrait entretenir notre école dans le cœur de chacun.
« L’ennui naquit un jour d’uniformité » (Antoine de La Motte-Houdar)"