Les logopédistes défendent la qualité de la prise en charge des enfants (Nouvelliste, 18 décembre 2014)
Aujourd'hui, le Valais compte un logopédiste pour mille six cents enfants alors qu'il en faudrait un pour mille selon la norme suisse. "Nous sommes déjà sous-dotés et l'Etat veut encore couper dans le financement de la logopédie. Ce sont les enfants qui vont payer", s'enflamme Romaine Flückiger Pagliotti, vice-présidente de la section valaisanne de l'Association romande des logopédistes diplômés.
200 000 francs d'enjeu
Les professionnels sont sortis de leur silence depuis plusieurs mois pour alerter la population sur les diminutions financières envisagées par l'Etat. Leur nouvelle bataille se passe aujourd'hui au Grand Conseil où les députés voteront sur un amendement au budget - les logopédistes espèrent que les 200 000 francs d'économie prévus sur le budget de 3,6 millions seront refusés par les politiciens. "Nous avons informé les députés des conséquences désastreuses d'une diminution de notre enveloppe" , confie Romaine Flückiger Pagliotti.
Une bataille de plus dans le combat mené par ces spécialistes. En juin dernier, le budget personnel de chaque logopédiste privé a diminué de 10 % - soit 82 000 francs de coupe dans l'enveloppe destinée aux professionnels du canton. Avec des conséquences déjà importantes. Les logopédistes ont dû diminuer le temps de traitement de certains enfants, la fréquence des rendez-vous - une fois tous les quinze jours à la place d'une fois par semaine - , ainsi qu'organiser des thérapies par groupe au lieu de séances individuelles. "C'est clair que ce n'est pas l'idéal. On perd en qualité. Certains enfants n'ont pas eu une aussi bonne évolution que s'ils avaient été suivis individuellement ", remarque Romaine Flückiger Pagliotti.
Depuis quatre mois, cette logopédiste confie, par exemple, avoir perdu 70 heures de traitement, soit deux semaines complètes. "Le plus difficile est que j'ai dû refuser de nouveaux enfants" , ajoute-t-elle. La liste d'attente ne fait ainsi que s'allonger.
Troubles sévères traités
Si la coupe de 200 000 francs est maintenue pour l'année prochaine, la qualité des prestations des logopédistes baissera encore. Au détriment des patients. "Les enfants sont traités pour des troubles sévères du langage et non juste parce qu'ils "toussotent" comme l'a prétendu Oskar Freysinger dans des interviews radiophoniques cette année" , rappelle Romaine Flückiger Pagliotti. Les conséquences pour les enfants non traités seront importantes à court et long termes, à savoir des problèmes de comportement, des difficultés scolaires (redoublement, scolarisation spécialisée) et sociales (chômage, analphabétisme). "Il ne faut pas négliger l'impact sur l'avenir de l'enfant. La qualité des prestations ne doit pas être dictée par des impératifs budgétaires!" Dans d'autres secteurs pédagogiques, l'inquiétude est également présente, à l'instar de certains enseignants du service d'appui qui ont transmis leurs craintes aux thérapeutes. "Ils ont peur que la baisse de nos prestations se reporte sur eux" , explique Romaine Flückiger Pagliotti.
Les logopédistes dépendent entièrement de l'Etat, puisque leurs services ne coûtent rien aux parents. Une gratuité nécessaire, selon les professionnels. "Tout le monde doit pouvoir traiter son enfant quel que soit le budget familial. " Plusieurs députés semblent être acquis à la cause des logopédistes, estime la section valaisanne. "On espère atteindre la majorité au Parlement" , conclut Romaine Flückiger Pagliotti en croisant les doigts.
"NOUS SOMMES DANS UNE SITUATION TENDUE"
L'AVIS DE CHRISTIAN NANCHEN
CHEF DU SERVICE DE LA JEUNESSE
"Je ne cache pas que nous sommes dans une situation tendue aujourd'hui. Nous sommes conscients qu'il y a déjà une liste d'attente d'enfants qui auraient besoin d'être traités par un logopédiste, mais les coupes de subventions concernent aussi de nombreux autres domai nes, comme des institutions pour personnes en difficulté ", souligne Christian Nanchen, chef du Service cantonal de la jeunesse.
Maigre consolation cependant pour les logopédistes du Valais. Le malheur des autres n'apaisant pas le leur. Le chef du Service de la jeunesse reconnaît qu'une coupe de 200 000 francs sur un budget de 3,6 millions aura des conséquences lourdes pour les logopédistes. " Cela va mener à une situation difficile, mais cela ne dépend pas de nous. On verra ce que le Parlement décidera aujourd'hui" , ajoute-t-il. Quelle que soit la décision prise, " les logopédistes devront faire avec les moyens qui leur sont donnés ", conclut Christian Nanchen. CSa
Par CHRISTINE SAVIOZ
Source : Le Nouvelliste.