"Les enseignants romands dénoncent une «frénésie d’économies»" (le temps, 13.08.14)
A en croire le Syndicat des enseignants romands (SER), jamais l’école ne s’est trouvée sous une pression budgétaire aussi forte. La faîtière des associations cantonales a dénoncé lors de sa conférence de presse de rentrée la frénésie d’économies dont les élèves font les frais.
La rentrée scolaire qui approche marquant aussi le début de la saison budgétaire dans les cantons, le syndicat appelle les gouvernements et parlements à «renoncer aux économies à l’école, qui mettent en danger la mission du Plan d’études romand et la qualité même de la formation».
La dénonciation du SER est formulée en termes généraux. Les informations fournies ne permettant pas de dresser un état des lieux canton par canton, il faut se contenter d’éléments ponctuels. Le Valais est ainsi présenté comme «le canton le plus mal loti de tous», un référendum contre les mesures prises étant du reste pendant.
Vaud en revanche «semble le seul à être épargné», ce qui n’empêche pas la société pédagogique de ce canton, la SPV, d’avoir recueilli 2300 signatures sur une pétition pour la hausse de l’enveloppe pédagogique.
Genève, où la réintroduction du mercredi matin coûte cher, cherche à compenser en diminuant le taux d’encadrement. Poussé par la nécessité de trouver 100 millions de francs pour équilibrer son budget, Fribourg renonce à ouvrir 40 postes supplémentaires sur la centaine qui seraient nécessaires. Neuchâtel et Berne se sont engagés dans la voie de l’augmentation des effectifs par classe, tandis que le Jura a fait appel à un consultant pour diminuer les coûts de l’école.
Selon Georges Pasquier, le président du SER, la suppression pour 2014 des dividendes de la BNS versés aux cantons a été le déclencheur de la pression renforcée sur les écoles. Y contribuent aussi la politique des cadeaux fiscaux, l’anticipation de la réforme de la fiscalité des entreprises, la contrainte des freins à l’endettement.
Mais le syndicat attribue une part de la dégradation de la situation au fort renouvellement parmi les chefs de département: les nouveaux venus offriraient une moindre ténacité pour défendre leurs budgets face à la consigne prioritaire des économies. Ils sont quatre sur sept: Anne Emery-Torracinta (GE), Oskar Freysinger (VS), Monika Maire-Hefti (NE) et Jean-Pierre Siggen (FR).
Les économies décidées pour la rentrée 2014 ou en vue pour le budget 2015 inquiètent d’autant plus le SER que les statistiques confirment l’augmentation du nombre des élèves attendus pour ces prochaines années: + 1300 en primaire à Genève d’ici à 2017, par exemple.
Poussés par la volonté de toucher «là où ça fait moins mal», les départements recourent le plus facilement à l’augmentation des élèves par classe. Une décision qui peut apparaître en moyenne comme anodine peut avoir des effets catastrophiques, avertit le SER. Elle ne pèse pas sur les enfants les plus doués, ni sur ceux qui ont un handicap reconnu, mais sur les «élèves ordinaires».
Certains cantons préfèrent abaisser le taux d’encadrement, réduisant le nombre des enseignants complémentaires ou d’appui. Le syndicat romand redoute que ces mesures ne soient fatales à ceux «qui ne survivent à l’école» qu’au prix d’un solide encadrement. Il dénonce aussi le risque de voir augmenter «l’école de l’ombre», autrement dit, la privatisation qu’entraîne le recours accru et coûteux par les parents aux répétiteurs et autres appuis particuliers.
Les menaces budgétaires sur l’école heurtent d’autant plus le SER que l’école romande, selon ses analyses, est déjà le parent pauvre de l’école suisse, et en particulier l’école primaire (années 1 à 8). Une statistique basée sur le nombre d’élèves par poste d’enseignement à plein temps (EPT) fait apparaître des écarts notables. Alors que la Suisse alémanique compte 13,4 élèves par EPT, la Suisse romande en a 15,5. Ce chiffre a même augmenté légèrement entre 2011 et 2012 (dernière année disponible) pour les cantons romands, alors qu’il a légèrement baissé pour les alémaniques. Genève est le canton romand le moins bien placé (16,7 élèves par EPT) mais on notera que son score est exactement le même que celui de Zurich. Au niveau secondaire obligatoire, la différence entre Suisse romande et Suisse alémanique est un peu moins marquée.
Le clivage existe également s’agissant de dépenses de personnel scolaire (toutes catégories confondues) par canton. Le coût d’un élève oscille selon ce critère entre 18 000 francs à Bâle-Ville et 11 000 francs à Neuchâtel, Fribourg ou en Valais. Tous les cantons romands se situent sur cette échelle en dessous de la moyenne alémanique. Les salaires des enseignants ne jouent pas de rôle déterminant dans ce calcul, assure le SER, mais bien les autres facteurs, comme l’enclassement et l’encadrement.
Source : Yelmarc Roulet, le temps.ch